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Reportage

Situé dans le quartier Sanyiri de Ouagadougou, le marché atypique de têtes et pattes de bœufs, de moutons et de chèvres est assidûment fréquenté par des bouchers, des revendeurs, et surtout des restaurateurs qui viennent s’y approvisionner pour la préparation de mets dont leurs différentes clientèles raffolent. A «Bouzout Yaar» — Marché des têtes de chèvres, en langue mooré —, de bonnes affaires sont au rendez-vous.



Têtes, pattes, queues, langues et peaux de bovins, ovins et caprins… Toute la panoplie du genre est disponible dans ce marché à ciel ouvert, installé sur un espace vert du secteur 51 de la ville de Ouagadougou, non loin du siège du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (Siao). L’affluence y est manifeste au quotidien, mais surtout les week-ends.

Sur le site, c’est une odeur indescriptible de têtes et de peaux de bovins grillés qui chatouille les narines, mêlée à celle dégagée par des fours de fortune, utilisés pour fumer la viande. Des fumées de toutes les couleurs qui s’entremêlent et contraignent le visiteur à cligner instinctivement des paupières. Sentiment de picotement qui s’amenuise au fur et à mesure que l’on progresse dans les allées, formées de hangars de fortune. Des tables qui tiennent à peine sur leurs pieds présentent alors des têtes et pattes des animaux, fumées et prêtes à la vente. Vendeurs et clients sont en pleine négociation des prix.

Abderrahmane Tapsoba fait ce travail depuis plus de vingt-cinq ans. Il l’a hérité de son géniteur qui était lui aussi un boucher spécialiste des têtes de bœufs. Comme ses camarades dans ce marché, tout commence par l’achat à l’abattoir de ce qu’ils appellent «la matière première», c’est à dire les têtes, les peaux et les pattes des ruminants. «Nous partons chercher tout cela à l’abattoir. Nous les mettons d’abord dans de l’eau chaude. Une fois les pattes bien chauffées, nous les retirons de l’eau puis avec une lame nous enlevons les poils de la bête. Après cette étape, nous lavons une deuxième et troisième fois dans de l’eau froide avant de les mettre sur le grillage pour le fumage», explique M. Tapsoba en mooré, la langue locale parlée sur le site.

Si certains amateurs préfèrent les pattes et les têtes fumées qui peuvent être ainsi conservées pendant plusieurs jours, d’autres par contre les apprécient fraîches, hors fumage. A chacun son goût, vu que les prix varient également avec la taille et le conditionnement du produit. La patte fumée de bœuf se négocie ainsi entre 750 et 1 250 F CFA, tandis que la tête coûte entre 3 000 et 4 000 F CFA. «Tout dépend de la taille du bovin abattu», précise un des bouchers.

Marché solidaire…
A «Bouzout Yaar» — désigné depuis peu «marché international des têtes et pattes d’animaux» —, diverses nationalités se côtoient. En effet, les acheteurs viennent entre autres du Ghana, de la Côte d’Ivoire, du Togo, du Nigéria, du Bénin et du Niger, pour s’y approvisionner. Une des particularités de ce marché atypique qui attire continuellement du monde, c’est la solidarité affichée de ses occupants. «Ici, les étals et les hangars n’appartiennent à personne d’entre nous. C’est pour tout le monde. On travaille en famille. Si tu gagnes seulement de la viande à l’abattoir, tu viens, tu l’arranges et tu la fumes et tu l’exposes à la vente», fait remarquer un des locataires de «Bouzout yaar».

Dans les quatre coins du site, bien installé, et toujours dans une bonne humeur contagieuse, chacun des commerçants s’affaire afin que tout soit prêt avant la grande affluence de la clientèle. Salamata Soudré, elle, est déjà sur place, occupée à trier les bonnes parties de chair qu’elle est venue acheter pour préparer la soupe qu’elle vend le soir dans son restaurant. «Ma soupe marche très bien et comme ici je trouve le nécessaire, je n’hésite pas à venir en chercher. Je vais mettre tout ce que je suis en train de trier actuellement en tas, afin de négocier un bon prix. Une fois arrivée chez moi, je vais bien laver la chair à nouveau avant de la faire passer à la marmite. Ensuite, je mets de la potasse pour relever le goût. Une fois la soupe prête et servie, les clients en raffolent.»

Pendant qu’elle faisait ce témoignage, la jeune dame, les mains maculées du sang de l’animal, continue de faire son choix entre les différentes parties de viande qu’elle n’hésite pas à taillader avec un petit couteau. Manœuvre qu’elle exécute sur une table sur laquelle s’agglutine une foule de mouches. Comme Salamata, elles sont nombreuses à venir acheter quotidiennement cette denrée très prisée au Burkina, au prix de 500 F CFA le tas, ou des pattes entières afin de faire tourner la marmite de leurs maquis et restaurants.

«Mon mari aime ça!»
Hormis ces restauratrices, il y a les usagers qui viennent faire le marché pour la cuisine domestique, comme cette femme, déambulant dans l’une des allées boueuses du marché, qui affirme y mettre les pieds pour la première fois. Sa première impression est que l’hygiène du site laisse à désirer. «Des camarades m’ont dit qu’ici je trouverai des têtes et pattes de ruminants. Personnellement, je n’en consomme pas, mais ma famille et surtout mon mari aiment bien cela. Je voulais lui faire plaisir ce soir au diner avec une bonne soupe», confesse-t-elle.

Pour les animateurs de ce marché fort apprécié, la satisfaction est au rendez-vous. «Depuis qu’on est là, aucun de nos clients, nouveaux ou anciens, n’est revenu se plaindre de souci de santé après avoir mangé notre viande. Nous demandons à Dieu qu’il donne plus de moyens à nos clients pour qu’ils viennent toujours s’approvisionner chez nous. Car sans eux, nous ne sommes rien», affirme Mahamadou Ouédraogo, l’un des plus vieux sur le site. 

Toutefois, l’accès au marché est l’une des difficultés relevées par tous. En effet, la zone est boueuse et est donc difficilement accessible en saison pluvieuse. De plus, les lieux n’étant pas aménagés selon les règles d’un marché reconnu comme tel, le nettoyage et le ramassage de la totalité des détritus y est très difficile malgré l’existence d’une équipe assignée à cette tâche. Conscient de cela, les responsables du site envisagent de demander l’aide et l’appui de la mairie pour mieux l’aménager, et surtout assurer plus efficacement l’assainissement du marché.

Par Dimitri Kaboré
©Fasozine N°66 Novembre-Décembre 2016

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