On reparlera abondamment, bientôt, de cette fin d’octobre 2014 qui a mis un terme au long bail présidentiel de Blaise Compaoré à la tête de l’Etat burkinabè. Face aux velléités de modification de l’article 37 de la Constitution qui limite à deux quinquennats successifs le nombre de mandats que peut s’octroyer le président du Faso, les Burkinabè sont en effet sortis massivement pour affronter toute éventuelle répression. Réussissant ainsi, tout en épatant le monde, à vaincre la peur et la fatalité pour ouvrir une nouvelle page de l’histoire de leur pays.
Aujourd’hui, la «Ouaga’Attitude» des 30 et 31 octobre 2014 reste en effet un point de repère pour tout le continent africain sur lequel prospèrent encore des réfractaires au respect des normes constitutionnelles de leur pays. Même les Togolais, hier si apathiques, osent désormais coloniser la rue pour secouer l’inébranlable cocotier du pouvoir, afin de donner une chance à l’alternance dans un pays sous la coupe réglée du clan Gnassingbé depuis 1963!
Et l’on n’oublie pas que François Hollande, alors président de la République française, avait éloquemment salué ce fait historique. «Ce qu’a fait le peuple burkinabè doit faire réfléchir ceux qui veulent se maintenir au pouvoir en violant l’ordre constitutionnel», avait notamment prévenu l’ancien de l’Etat français dans son allocution d’ouverture du 15e Sommet de la Francophonie, qui s’est tenu fin novembre 2014 à Dakar, au Sénégal.
Trois ans après ces moments formidables — qui furent et restent aussi douloureux pour de nombreuses familles burkinabè, quels que soient par ailleurs leurs obédiences et/ou convictions politiques —, que reste-t-il de l’insurrection qui a tant enchanté le monde? En est-on véritablement sorti? Et au-delà de l’autodafé des murs et des documents de l’imposante bâtisse de l’ancien siège du Parlement, comment capitalisons-nous les valeurs qui ont porté cette volonté populaire pour le changement que nul projectile, ni aucune répression n’a pu mater?
En sacrifiant une fois de plus à l’indispensable devoir de mémoire, il serait bon, en effet, de sortir enfin de la simple célébration du discours et de la litanie des hommages pour rendre… véritablement hommage, par nos comportements quotidiens, aux martyrs et aux acteurs de tous bords qui ont rendu ce rêve possible. D’autant que la commémoration de l’insurrection populaire aura, cette année, une symbolique particulière, quelques semaines après la disparition de Salifou Diallo, l’un de ses principaux instigateurs. Et à l’ombre du souvenir, toujours vivace, de l’assassinat, le 15 octobre 1987 — trente ans déjà! — de Thomas Sankara, qui continue d’inspirer la vie sociopolitique burkinabè et africaine…
© Fasozine N°71, Septembre-Octobre 2017