Refusant la fatalité, des jeunes scolaires de Ouagadougou ont décidé de créer un groupe — qui devrait se muer en association — pour lutter contre la faim au Burkina. A peine constitué, ce jeune groupe a réussi à offrir des vivres et des habits à soixante familles démunies de Saaba à la veille de l’Aïd el-Fitr. Une précieuse première victoire…
C’est une belle histoire, de celles qu’on aimerait vivre encore et encore. Une initiative noble, qui débouche admirablement sur une action humanitaire et solidaire, bien réelle, dont on ne parle pas, dont personne (ou presque) n’a entendu parler et qui, malheureusement, risque de rester dans un anonymat coupable si l’on ne met pas en avant sa portée salvatrice.
De quoi s’agit-il? De jeunes garçons et filles de Ouagadougou ont saisi l’opportunité du mois du jeûne musulman de cette année pour marquer leur solidarité envers des familles démunies de notre capitale pour lesquelles «faire la fête» n’est qu’un vœu pieux. Plus que l’action, la démarche est séduisante et nous interpelle, adultes de toutes catégories, responsables à tous niveaux, sur le sens même du rôle que nous sommes censés jouer pour être utiles à notre société.
Début juin donc, dix adolescents de 15 à 18 ans, des classes de seconde et de première de divers établissements de Ouagadougou, décident de «faire quelque chose» pour que l’Aïd el-Fitr ne reste pas un jour comme les autres dans certaines familles. Tout à leur idée, ils forment un groupe qu’ils baptisent «Vision» et conçoivent une affichette qu’ils diffusent tant bien que mal sur les réseaux sociaux. Le message invite chacun et tous à rejoindre… «des jeunes contre la faim au Burkina». En réalité, l’idée trottait dans la tête de ces jeunes depuis longtemps. Le «Ramadan 2017» leur donne l’occasion de se lancer. «Nous sollicitons votre participation à ce noble projet par des dons de toute espèce (nourriture, vêtement argent) qui seront distribués aux nécessiteux», plaide le message de «Vision».
Après deux semaines top chrono — du 10 au 24 juin —, et alors que certaines personnes ne les prenaient pas au sérieux, le groupe fait les comptes de sa campagne. «Nous avons pu récolter 290 000 F CFA en espèces, deux cartons de sucre, deux sacs de riz de 50 kg chacun et beaucoup d’habits», témoigne fièrement Amalia Seydou, 16 ans, élève en classe de seconde à l’Ecole internationale de l’Amitié. Encouragés et enhardis par cette collecte, les jeunes de «Vision» opèrent des achats complémentaires avec l’argent ainsi engrangé et réussissent à confectionner 60 paquets constitués de riz, sucre, pâtes alimentaires, sardines, huile, lait, ainsi que des vêtements. Chaque paquet atterrit ensuite, juste à la veille de la célébration de l’Aïd el-Fitr, le samedi 24 juin, dans l’une des 60 familles préalablement identifiées du côté de Saaba, avec l’appui des responsables d’un espace de prière que squattent souvent des enfants mendiants.
Bien entendu, le geste salutaire et solidaire de ces jeunes est unanimement salué par les familles bénéficiaires, qui les couvrent de bénédictions, mais aussi par les adultes et responsables qui les ont accompagnés tout au long du processus. «Nous sommes très contents, fiers et émus d’avoir pu aider ces familles à participer elles aussi à la fête», affirme la présidente du groupe, Awa Koanda, 17 ans, en seconde à l’Ecole internationale de l’Amitié. Elle compte d’ailleurs bien formaliser et pérenniser, avec ses camarades, cette association en gestation. Et «Vision» a déjà une… vision pour la rentrée académique prochaine: réussir à parrainer quelques enfants ou aider à leur procurer des fournitures scolaires.
Incontestablement, ce petit groupe de jeunes renvoie une belle image à nos consciences endormies. De quoi ne pas désespérer de notre société dont les valeurs s’érodent gravement au fil du temps qui passe…
© Fasozine N°70, Juillet-Août 2017