Aujourd'hui,

EDITORIAL

Après Kaya en 2016, la ville de Gaoua s’apprête à accueillir, le 11 décembre prochain, les manifestations de la célébration de la fête nationale du Burkina. Tournante depuis quelques années, le rendez-vous de Gaoua, placé sous le thème «Diversité culturelle et citoyenneté responsable pour un Burkina Faso solidaire et harmonieux», se tient dans un contexte national plutôt tendu, au lendemain de la commémoration, le 31 octobre dernier, du troisième anniversaire de l’insurrection populaire qui a favorisé l’arrivée du président Roch Marc Christian Kaboré au palais de Kosyam, dont il est l’hôte depuis le 29 décembre 2015.

Chef-lieu de la province du Poni, Gaoua, située à 381 kilomètres au Sud-ouest de la capitale burkinabè, est notamment connue pour la richesse de sa culture et de son art. En invitant les Burkinabè à axer leurs réflexions sur la diversité culturelle, les autorités nationales font sans doute, aussi, un clin d’œil à cet important foyer culturel qui abrite notamment le musée des civilisations du Poni dont le peuple lobi est si fier. Comme pour souligner fortement l’ouverture de Gaoua et du Burkina sur le monde dans une belle symphonie du donner et du recevoir, l’instant d’un rendez-vous national censé fédérer les énergies autour des chantiers du développement.

Mais au-delà de cet instant et de cette forte charge culturelle, la célébration du 57e anniversaire de l’accession de la Haute-Volta — aujourd’hui Burkina Faso — à la souveraineté internationale se veut être aussi un cadre de l’expression de la citoyenneté et de la solidarité dans un pays en quête de quiétude et de réconciliation. En effet, trois années après l’insurrection populaire qui a fracturé la société burkinabè, il reste primordial de tisser à nouveau — et/ou de consolider — les fils d’une nouvelle entente cordiale et sociale pour construire un développement durable. Toutes choses qui passent par le jaillissement attendu de la vérité sur bien des faits de la vie sociopolitique du pays, l’accomplissement correct et sincère de l’œuvre de justice afin d’asseoir les bases d’une réconciliation éclatante.

Il y a donc lieu, aujourd’hui encore, de secouer nos consciences de leur amnésie paralysante et de regarder dans le miroir du passé afin d’esquisser, pour les filles et fils du Burkina Faso, un avenir qui leur ressemble et qui les rassemble dans la paix, le travail et la solidarité, valeurs cardinales de cette société séculaire que partagent, en toute harmonie et depuis la nuit des temps, une soixantaine de groupes ethniques et géolinguistiques. C’est là du reste qu’éclate à nos yeux, en toute beauté, la formidable richesse de ce pays de l’hinterland nichée au cœur de l’Afrique de l’Ouest, qui réussit jusque-là à transcender à la fois les extrêmes d’un climat rude et les avatars d’une histoire coloniale et politique heurtée.

Bien entendu, en plaidant pour la «diversité culturelle et (la) citoyenneté responsable pour un Burkina Faso solidaire et harmonieux», les plus hautes autorités du «pays des Hommes intègres» doivent, en premier, donner l’exemple et tracer les sillons d’une voie vertueuse à même de construire et de reconstruire une citoyenneté véritablement responsable. Alors que montent de toutes parts, depuis trop longtemps maintenant, les cris de cœur et les coups de gueule des Burkinabè, exprimant un ras-le-bol généralisé et de grosses inquiétudes quant à l’avenir, la célébration du 57e anniversaire de l’indépendance de notre pays devrait s’élever des quartiers de la fête pour s’inviter sur une plateforme d’introspection en vue d’un nouveau départ.

En effet, trois années après les évènements de fin octobre 2014, et deux années après l’installation de Roch Marc Christian Kaboré à Kosyam, le temps est assurément venu d’imprimer une nouvelle dynamique à la marche globale du pays. A ce sujet, les laborieuses populations attendent toujours un signal véritablement fort! «Réarmer le moral des Burkinabè, mais aussi et surtout impulser une véritable dynamique du changement et du développement», ainsi que nous l’écrivions récemment, tel est le défi qui se pose désormais au président du Faso qui — il ne faut pas en douter — a la claire vision de sa mission et du sens de son mandat à la tête de l’Etat.

Aussi, est-il utile, à la veille de cette célébration dans laquelle se mêlent fierté nationale et sens patriotique, d’amener hardiment chaque Burkinabè, où qu’il se trouve dans notre village planétaire, à s’interroger humblement sur son rôle et sa contribution dans l’édification d’une nation plus libre, plus juste et prospère pour tous. Afin que la plateforme de la diversité culturelle, de la citoyenneté et de la solidarité cimente notre mieux-être individuel et notre vivre-ensemble collectif dans un Burkina rénové et fort.

© Fasozine N°72, Novembre-Décembre 2017