Aujourd'hui,

DOCUMENT

Voici le texte intégral du mémorandum présenté le 7 février 2017 par les partis membres de l’opposition politique, sous la houlette du chef de file de l’opposition politique (Cfop) au Burkina, sur «un an du régime du Président Roch Marc Christian Kaboré».



AVANT-PROPOS
Il y a de cela quelques mois, plus exactement le 12 Avril 2016, l’Opposition politique mobilisée autour du Chef de file de l’Opposition, publiait un mémorandum sur les 100 premiers jours du régime du Président Roch Marc Christian Kaboré. Sous le titre évocateur « Hésitations et Tâtonnements », ce mémorandum esquissait une première critique du nouveau régime qui s’est installé à la tête de notre pays.
A l’époque, j’expliquais que si on ne juge pas un mandat de 5 ans sur une action de 100 jours, il est malgré tout de tradition, en politique, de scruter à la loupe les faits et gestes de tout nouveau pouvoir dans le même temps. Cette tradition se fonde sur le fait que par les déclarations qu’il fait, par les idées qu’il avance, par les décisions qu’il prend ou ne prend pas, par les personnes qu’il nomme, bref, par la manière dont il s’’installe, on peut voir s’il s’est bien préparé à sa nouvelle mission, s’il sait où il va, et ce qu’on peut attendre de lui.

Suite à la publication dudit mémorandum, certains citoyens avaient trouvé notre démarche prématurée, arguant du fait qu’il fallait donner un peu plus de temps au nouveau régime, et qu’il était quelque peu trop tôt de vouloir le juger au bout de seulement trois mois. Attentive à ces arguments, et contrairement à ce qu’elle avait planifié, l’Opposition politique a attendu qu’une année entière passe, pour donner une nouvelle lecture des performances de nos gouvernants. Nous y sommes ! Cela fait une année pleine que le Président Roch Marc Christian Kaboré, son parti le MPP, ses alliés au sein de la majorité gouvernementale et les forces sociales qui le soutiennent gèrent le Burkina Faso.

L’appréciation de l’Opposition politique burkinabè est claire et nette: la première année d’exercice du pouvoir par le Régime du président Roch Marc Christian Kaboré est une année perdue pour le Burkina Faso. La sagesse enseigne qu’on ne rattrape jamais le temps perdu. Le président Kaboré et son équipe doivent donc plutôt tout mettre en œuvre, pour que le Burkina ne perde pas le nouveau temps qui s’offre à lui. Le peuvent-ils ? L’Opposition politique et les Burkinabè ont toutes les raisons d’en douter. Dans tous les cas, c’est là, la douloureuse équation à laquelle notre pays est confronté sous leur direction.
Zéphirin Diabré, chef de file de l’opposition politique

INTRODUCTION
Le Président Roch Marc Christian Kaboré a pris officiellement fonction le 29 Décembre 2015. Le 6 janvier 2016, il nommait Mr Paul Kaba Thiéba comme Premier ministre. Le 12 janvier 2016, celui-ci proposait le nouveau Gouvernement. Cela fait donc un (1) an que la nouvelle équipe est opérationnelle. Elle a posé suffisamment d’actes pour justifier un jugement. C’est l’objet de ce mémorandum.
L’analyse du bilan d’un an du « nouveau-ancien » pouvoir comme l’opposition l’a toujours nommé, commence par l’appréciation du leadership de son premier responsable, car pour nous, la gestion d’un pays, c’est d’abord la marque qu’imprime un leader. Dans un deuxième temps, l’analyse porte sur des aspects clés de la gouvernance politique du régime. Quel rôle politique a joué le MPP, parti au pouvoir ? Quelle a été l’action législative du Parlement dirigé par le MPP ? Quelle a été la portée de l’action gouvernementale ? Comment gère-t-il les relations avec le monde syndical ? De l’analyse de ces divers paramètres se dégage une nette impression de désordre, voire de chaos.
La troisième partie du document évoque les domaines régaliens où l’action du régime était fortement attendue. Ceux-ci ressemblent à un champ de ruines : la justice est en panne ; la sécurité est hors de contrôle ; la diplomatie est inexistante et la réforme constitutionnelle tant claironnée comme devant symboliser la rupture ne semble pas intéresser les Burkinabè. En toile de fond, il y a l’incontournable et épineuse question de la réconciliation nationale qui est bel et bien au point mort.

Les insuffisances dans la gouvernance économique constituent la quatrième partie du constat. S’il y a bien un indicateur de l’échec du régime en place depuis les douze derniers mois, c’est bien l’économie, dont la relance n’est nullement acquise, malgré les annonces tonitruantes de la récente Table ronde des bailleurs de fonds du PNDES. Toutes ces insuffisances se doublent d’un grave problème de gouvernance administrative, dont le diagnostic révèle la persistance, sinon l’aggravation de tares que l’opposition dénonçait déjà avant l’insurrection populaire : inefficacité, politisation, affairisme. C’est le domaine qu’aborde la cinquième partie du document. La question importante de la Gouvernance locale, marquée par des violences lors des dernières élections municipales, est examinée dans la sixième partie.

Enfin, l’énumération de quelques secteurs emblématiques dont la gestion est l’illustration parfaite du temps perdu par notre pays complète notre jugement. La vie d’une nation et l’action d’un gouvernement couvrent un très vaste domaine et touchent à plusieurs problématiques. Dans notre démarche, il n’a jamais été question d’être exhaustif et donc d’établir un catalogue de toutes les appréciations que l’on peut faire sur tous les compartiments du travail gouvernemental. Seuls les aspects de ce travail qui nous semblent pertinents pour notre analyse ont été retenus.
Enfin, à tous ceux qui seraient tentés de dire que l’opposition n’a vu que les aspects négatifs du bilan de ce premier an de gouvernement, nous répondons que c’est justement la vocation de l’opposition de mettre le doigt sur les échecs du pouvoir en place. Si celui-ci enregistre des résultats positifs, il dispose de suffisamment de laudateurs zélés pour se charger de sa publicité.

I. LE LEADERSHIP DU PRÉSIDENT DU FASO
Il n’est pas exagéré d’affirmer que la victoire du MPP lors de l’élection présidentielle de novembre 2015 était essentiellement due à la personne de Roch Marc Christian Kaboré. C’est dire donc que sa touche personnelle était attendue dans la conduite des affaires du pays après son élection. Or, sur ce plan, un an après sa prise du pouvoir, et surtout, à la lumière des faits qui ont marqué notre vie nationale, les Burkinabè et les observateurs restent toujours sur leur faim : les situations sont nombreuses, où le leadership personnel du Chef de l’État tarde à se manifester.

I.1-Une vision invisible
S’il est généralement admis que le MPP, en tant que groupe, s’était plus préparé à conquérir le pouvoir qu’à le gérer, on s’attendait au moins à ce que le premier responsable de l’équipe affiche un cap en entrant en fonction, qu’il montre une vision, un chemin, qu’il décline un projet de société. Malheureusement, les Burkinabè attendent toujours de savoir quelle est son ambition pour le Burkina. Le Burkina est donc piloté à vue, balloté au gré des événements et soumis à une gestion qui donne plus la place à la réaction qu’à l’action.

I.2-Une réelle difficulté à incarner la fonction
Venu dans les fourgons d’une insurrection dont il a du reste pris le train sur le tard, le Président du Faso a véritablement du mal à incarner sa fonction. D’abord, il est rattrapé par sa propre histoire politique. Ancien ténor du CDP, donc comptable des 27 années du régime déchu, il est supposé incarner la rupture, puisque arrivé au pouvoir en surfant sur la vague des aspirations qui ont donné lieu à l’insurrection. Les Burkinabè attendent un vrai changement dans le domaine de leur vécu quotidien, dans celui de la gouvernance, notamment la gestion du bien public et la justice. Or de prime abord, lui et son équipe symbolisent tout sauf ce vrai changement. Dans la pratique, la résurgence des mauvaises manières de gérer, décriées sous l’ancien régime, achèvent de convaincre de larges couches de la population, que rien n’a changé.

Ensuite, il se doit d’être le Président de tous les Burkinabè, donc celui qui doit cicatriser les déchirures nées de l’insurrection et rassembler notre peuple. Cela ne peut se faire sans clarifier courageusement le sort des vaincus d’octobre 2014. L’exclusion du jeu politique de certains acteurs semblant profiter au parti MPP, des Burkinabè se demandent si le non jugement des dossiers pendants n’est pas fait pour continuer à capitaliser au maximum et au profit du nouveau-ancien pouvoir, cet avantage mal acquis. En effet, le MPP partage le même électorat que le CDP. Plus les ténors du CDP seront absents du jeu politique, plus le MPP continuera de siphonner cet électorat. Enfin, le fait que de nombreux leaders politiques burkinabè soient toujours en exil pose, quoi qu’on pense, un problème certain pour la stabilité et la paix au Burkina. La résolution de ce problème exige donc des actes forts dont on ne voit jusque-là aucune trace.

I.3-Un manque évident d’anticipation
La démarche du Président du Faso est-elle empreinte d’un esprit d’anticipation et de prospective ? On peut en douter légitimement. On a plutôt l’impression d’une réaction aux évènements, le tout doublé d’un attentisme parfois déroutant. Une première illustration vient de la manière dont il a lui-même mis en ébullition le front social et allumé la mèche de la contestation sociale en cédant très vite aux réclamations des magistrats. Le Chef de l’État, par son acte, a ouvert la boite à pandore des revendications sociales tous azimuts, amenant ainsi toutes les catégories socioprofessionnelles à estimer, à bon droit, que « s’il y en a pour les magistrats, il y en a certainement pour tous ». Difficile de comprendre qu’avec tant d’expérience en matière de gestion de conflits sociaux, il n’ait pas vu le piège.

Un autre cas éloquent vient du flottement observé dans la réorganisation de l’État-major général des armées. Alors qu’une telle décision s’imposait dès les attaques de Janvier 2016, ce n’est finalement qu’en fin d’année, suite aux tueries de Nassoumbou, que le Président du Faso s’est résolu à se séparer du chef d’état-major général des armées. Pendant donc une année pleine, ce dernier est resté en fonction sans savoir quel serait son sort, dans une ambiance où tous les matins la presse et les rumeurs de la ville annonçaient son départ prochain, toute chose qui n’incite pas à la prise de décision ou d’initiatives de sa part. Et les terroristes, qui suivent bien la gestion des affaires du pays, se sont préparés en conséquence.
Enfin, autre exemple déroutant, au moment où ce mémorandum est publié, cela fait plus d’un mois que le chef de l’Etat a laissé entendre que son gouvernement subirait des modifications. Cette annonce a plongé l’administration dans une léthargie totale, et brisé le peu d’élan que possédaient encore les ministres.

I.4-Du tricéphalisme à l’affrontement
Au début de leur règne, le trio RSS affichait une manière de faire que l’opinion publique assimilait à du tricéphalisme, c’est-à-dire une gestion concertée à trois. On a vu ce tricéphalisme se manifester notamment dans la mise en place du Gouvernement, tout comme il apparaissait évident dans les prises de position sur les grands problèmes du pays. Par essence, toute gestion à plusieurs implique une diminution de l’autorité du premier responsable. Les Burkinabè étaient donc attentifs à l’évolution de la situation.
Depuis, les choses ont évolué mais en pire. Désormais, c’est à un affrontement à peine feutré que les ténors du MPP se livrent, le parti étant plus que jamais divisé en clans dont on voit l’animosité se manifester à tout bout de champ, comme le révèlent ces quelques épisodes politiques récents :

    les élections municipales de mai dernier et la mise en place des exécutifs locaux ont été l’occasion d’affrontements parfois meurtriers entre les différentes tendances au sein du MPP et du couple MPP/NTD dont il n’est pas difficile de deviner qui se cache derrière chacune d’entre elles.

    le Président de l’Assemblée Nationale ne perd pas une occasion pour critiquer vertement l’action du Gouvernement. En fait, il prend clairement ses distances d’avec ce qu’il subodore comme un échec programmé, et donc, prend ainsi date. Ce qui implique un agenda politique différent de celui du Chef de l’Etat.

    suite à l’enquête parlementaire sur le foncier diligentée par l’Assemblée nationale, une proposition de loi a été adoptée pour retirer des parcelles litigeuses. Le Président du Faso n’a pas trouvé mieux que d’interroger le Conseil Constitutionnel sur la régularité de la démarche, sans doute pour lui faire dire une réponse qu’il connaissait d’avance, et se démarquer ainsi du pilotage à vue de l’Assemblée nationale.

    dans l’affaire des tablettes qui a tant défrayé la chronique, on a assisté à un jeu de ping-pong qui en dit long sur les relations entre les deux hommes. Face à la broncha constatée dans l’opinion, l’Assemblée nationale a décidé de retourner les tablettes au Gouvernement, histoire de dire que si corruption il y a, elle serait le fait de l’Exécutif qui apparaîtrait ainsi comme le bras réel de la corruption des députés. A l’occasion de son interview bilan de fin d’année, le Président du Faso affirme que c’est lui qui a instruit l’Assemblée nationale de retourner les tablettes. Cette position est d’autant plus curieuse que ces tablettes sont parties de l’Exécutif vers le Législatif. Si le Président du Faso savait que ces tablettes posaient problème, pourquoi autoriser le Gouvernement à les offrir au parlement, pour ensuite les reprendre ? Sauf à vouloir démontrer qu’il est plus soucieux de l’opinion publique.

    dans l’épisode du cadeau d’Un million de francs CFA offert à chaque député, les Burkinabè ont noté la promptitude avec laquelle le chef de l’Exécutif s’est désolidarisé du Président de l’Assemblée nationale, jugeant la mesure inopportune.

    des OSC dont les dirigeants sont dits proches du palais de Kossyam ne perdent pas une minute pour tirer à boulets rouges sur l’Assemblée nationale, accréditant l’idée qu’elles sont instrumentalisées à des fins politiques.

I.5- Une autorité qui peine à s’exercer
Face à certaines situations vécues par notre pays, on en vient à se demander où se trouve l’autorité du Président du Faso. L’affaire de la CAMEG en est l’illustration parfaite. Ce dossier qui a commencé comme un fait divers, s’est révélé être un « dossier d’État » où s’entrechoquent les intérêts divergents. Le Ministre de la santé, que l’on dit proche du Président de l’Assemblée nationale, semblait installé dans une arrogance qui a conduit l’État à un comportement incivique. Les Burkinabè ont espéré que le Président du Faso tape du poing sur la table et le rappelle à l’ordre, en vain.
Une autre illustration, c’est l’incapacité du Président du Faso à faire régner l’ordre et la discipline au sein de son propre parti. Comme on l’a vu lors des épisodes douloureux qui ont marqué les élections communales, face aux dérives de ses propres militants, le Président Kaboré est devenu impuissant et ses injonctions n’ont aucun effet.

I.6-Des choix contestables de collaborateurs
Un des domaines dans lesquels tout dirigeant est fermement attendu, c’est celui du choix de ses collaborateurs. Sur ce plan, le Président Kaboré est en train de décevoir. Alors que le Faso et même le MPP regorgent de compétences avérées, à l’interne comme à l’extérieur, on est meurtri par la légèreté des CV du personnel qui entoure le Chef de l’État. Ceux qui sont nommés auprès de lui ont, soit un parcours contesté (cas de son Directeur de cabinet, fortement critiqué pour sa gestion de la mairie de Koudougou), soit aucun parcours du tout (cas des activistes des OSC recasés comme Chargés de mission). On a du mal à être impressionné par les titres que portent certains de ses collaborateurs, surtout si on les compare à ce que l’on voit ailleurs. Certains titres comme celui de « Conseiller Spécial » sont multipliés sans limite, enlevant toute valeur aux porteurs.
Dans un monde mondialisé où les dirigeants des pays africains ont de plus en plus tendance à appeler à leurs côtés des profils pointus qui imposent d’emblée le respect international, il est désolant de constater que chez nous, les relations personnelles et les affinités demeurent les critères dominants de nomination aux fonctions étatiques éminentes auprès du premier responsable.

I.7-Un effacement sur la scène internationale
L’« absence » du Président du Faso, si elle est manifeste au plan intérieur, se fait aussi sentir au plan extérieur. Les soubresauts politiques que notre pays a connus en Octobre 2014 ont fortement rehaussé son image au plan mondial. Les dividendes de l’insurrection offraient ainsi un tremplin idéal pour une nouvelle diplomatie burkinabè, qui avait la légitimité pour se faire le porte-étendard des nouvelles valeurs. Malheureusement, le premier gouvernement démocratique post insurrectionnel ne semble pas être en mesure de capitaliser ces acquis.
Au plan régional, le Burkina est redevenu un pays quelconque. Notre pays n’a été à l’origine d’aucune initiative politique majeure. Hors la sous-région, sur le reste du continent, la voix du Burkina n’a quasiment été entendue sur aucun sujet majeur. Le Burkina Faso sous Roch Christian KABORE serait-il devenu aphone ? Où sont passés nos diplomates chevronnés ? Visiblement, notre modeste rayonnement international d’hier est en train de s’assombrir sous l’inexpérience, l’amateurisme.

II. UNE GOUVERNANCE POLITIQUE CHAOTIQUE
Comment peut-on caractériser la gouvernance politique sous le règne du MPP ? Pour l’opposition, elle est chaotique. Pour s’en convaincre, il suffit d’analyser le fonctionnement des institutions, d’examiner l’animation de la vie politique par le parti au pouvoir, la conduite de l’action gouvernementale, le travail législatif du Parlement, et la gestion des rapports avec les syndicats.

II.1-Fonctionnement des institutions : confusion et perte de l’autorité de l’Etat.
Ce qui retient d’emblée l’attention de tout observateur politique analysant le fonctionnement actuel de nos institutions, c’est la confusion totale qui y règne. Jamais dans notre histoire, les trois piliers de notre architecture institutionnelle que sont l’Exécutif, le Législatif et le Judicaire ne se sont tant retrouvés dans une situation de si grande interférence mutuelle. Le cas le plus emblématique de cette confusion des rôles, c’est le fonctionnement du couple Exécutif-Législatif.

Mais le plus grave, c’est la perte nette de l’autorité de l’Etat que tout le monde constate depuis que le MPP est au pouvoir. Sur nombre de questions, et à travers maints incidents, l’Etat est tout simplement devenu inexistant. Il est permanemment défié par les citoyens gagnés par l’incivisme, qui pour un oui ou un non n’hésitent pas à bloquer les voies, à envahir les commissariats et les gendarmeries, ou à interdire les préfets de séjour. Il est ouvertement défié par les « kogleweogo », que les injonctions répétées du Ministre en charge de la Sécurité et même du Président du Faso laissent de marbre.
Il est même défié en plein jour par des forces qui ne se cachent plus pour se réclamer du terrorisme islamiste, comme ce fut le cas récemment au nord du pays, où, dans la journée du Mercredi 25 janvier 2017, des individus armés ont proféré des menaces tendant à dissuader les enseignants de dispenser les cours dans les écoles de Pétega (CEB de Diguel), de Pélem-Pélem et de Lassa (CEB de Baraboulé) dans la province du Soum.

II.2-L’animation de la vie politique par le MPP
Parti au pouvoir, le MPP doit être en principe un élément-clé de l’animation de la vie politique. Or sur ce plan, sa performance à ce jour a malheureusement déçu :

- Un divorce avec l’esprit de l’insurrection
Déjà au moment de sa formation, et tout au long de sa marche vers le pouvoir, le MPP a utilisé les mêmes vieilles ficelles longtemps décriées de notre vie politique. Arrivé au pouvoir, il est resté en collusion avec les mêmes forces économiques et sociales d’hier. Comme par le passé, les marchés sont « offerts » aux opérateurs économiques proches des ténors du MPP.

Ce fut le cas avec les récents marchés du ministère des infrastructures relatifs aux réfections des voies non bitumées, qui ont donné l’occasion d’une distribution de contrats faramineux à des entrepreneurs connus pour avoir financé la campagne du MPP. Toute chose qui atteste qu’on ne peut pas compter sur ce régime pour avoir la transparence dans les passations des marchés publics, ni des avancées dans la lutte contre la corruption, la mal-gouvernance et l’impunité. Bref, les dirigeants de ce nouveau régime n’ont ni les moyens, ni la volonté de se défaire des pratiques décriées de l’ancien régime dont ils furent les principaux animateurs.

Aux dernières élections municipales, on l’aura reconnu dans la même pratique du ‘’Tuk guili’’. Ces élections municipales ont révélé la politisation à outrance de l’administration. Les premières élections organisées par la majorité politique hétéroclite étaient une mauvaise expérience pour notre pays. Marquées par des violences et agressions politiques avec des pertes en vies humaines, orchestrées par le parti au pouvoir, ces élections ont mis à nue l’incompétence du Gouvernement actuel à maintenir l’ordre public et à relever les défis de la démocratie. A l’heure du bilan, des tensions persistent toujours dans la mise en place de certains exécutifs locaux.
Un des signaux négatifs donnés par le régime du MPP, c’est la tentative de remise en cause de la loi N° 004-2015/CNT du 03/03/2015 portant prévention et répression de la corruption qui fait obligation de déclaration des biens pour certaines personnalités politiques, judiciaires et de la haute administration civile et militaire. Le Président et les membres de son Gouvernement ont dépassé le délai légal d’un mois prescrit avant de rendre publiques leurs déclarations. Et quand ils l’ont fait, ce sont des déclarations, somme toutes factices qu’ils ont livré au peuple. Celles des membres du Parlement se font encore attendre.

L’absence de signaux clairs d’une gouvernance plus vertueuse a entrainé un divorce de fait entre le MPP et les forces de l’Insurrection. Le divorce est même public, comme le montre la guerre que livrent à certaines ailes du MPP des OSC qui, il n’y a pas longtemps encore, étaient les caisses de résonance du parti. Un divorce qui est apparu de manière cinglante lors de la commémoration par le MPP, du second anniversaire de l’Insurrection. Les observateurs sont unanimes à dire que ce fut un fiasco, au vu de la faible mobilisation des Burkinabè autour de l’évènement. Et ce d’ailleurs malgré, ou à cause des tentatives désespérées de certains leaders du MPP de récupérer l’Insurrection au profit de leur parti, comme l’attestent les déclarations honteuses du député Sakandé Alassane lors des Journées parlementaires du MPP à Léo.

-Une absence de leadership dans le débat politique
Il est de tradition pour un parti au pouvoir, de donner le « la » du débat politique national, par des initiatives et des propositions innovantes. Une fois au pouvoir, le MPP est entré en léthargie. Sur les grandes questions politiques, le parti est absent. Il peine à jouer son rôle d’incubateur d’idées pour son Gouvernement. La faillite la plus spectaculaire, c’est celle que l’on observe sur le plan idéologique. Parti d’obédience sociale-démocrate, le MPP se retrouve à pratiquer maladroitement et sans vergogne une politique libérale.

II.3-La Coordination bancale de l’action gouvernementale
Notre jugement porte ici sur l’action du gouvernement au cours des douze derniers mois, telle qu’elle s’est déroulée devant les Burkinabè. Celle-ci est bancale dans la forme comme dans le fond! Cela tient aux défaillances du Premier ministre et aux graves lacunes des ministres

- Un Premier Ministre par défaut
En examinant la conduite des affaires gouvernementales à la lumière des conditions de la désignation du Premier ministre en Janvier 2016, l’opposition politique a acquis la nette certitude que ce dernier a été choisi par défaut. La décision s’est portée sur lui au terme de longs atermoiements ; d’autres noms avaient circulés, portés par les différentes chapelles du MPP.
C’est donc un choix dicté par le souci de respecter un équilibre de pouvoirs au sein du régime. Or, l’expérience politique enseigne, que lorsqu’on agit de la sorte, on choisit un petit commun dénominateur dont la principale vertu, c’est de ne déranger personne. C’est exactement ce qui se passe. Le trio RSS a donc fait le choix délibéré de confier cette responsabilité à quelqu’un qui ne ferait pas de l’ombre à qui ce soit. C’est donc un choix par défaut.De plus, ce choix s’est porté sur quelqu’un qui ne connait pas son propre pays, toute chose qui a un impact négatif sur l’action gouvernementale.

Un Premier ministre qui ne connait pas son pays :
C’est la grande singularité de la décision du trio RSS en nommant leur Premier ministre. Cette méconnaissance est évidente sur trois plans :
    au plan de l’histoire politique récente et de l’histoire du parti au pouvoir, le MPP,
    au plan des politiques publiques,
    et au plan des arcanes de l’administration
L’histoire récente du Burkina Faso, c’est celle qui a conduit à l’insurrection. Elle est très riche d’enseignements. Et l’action du premier Gouvernement post insurrectionnel était supposé donner une réponse rapide aux aspirations des insurgés. Au sein du MPP, les cadres qui ont battu le pavé, humé les gaz lacrymogènes et parcouru les provinces pour arracher la victoire, s’attendaient sans doute à ce que le choix se porte sur l’un d’entre eux. Leur déception fut grande et partant de là, leur foi en leur propre régime a pris un coup.

La désignation du Premier ministre a constitué une blessure politique à l’intérieur du MPP, et la plaie est loin d’être cicatrisée Or, le premier et principal soutien d’un chef de Gouvernement, c’est le parti au pouvoir. N’ayant aucune affinité avec le parti supposé le soutenir, n’ayant pas de services « d’insurgé » à faire valoir aux yeux de tous ceux qui ont risqué leur vie lors des tumultes politiques récents, le Premier ministre se trouve confronté à un sérieux problème de légitimité dans l’opinion et dans son propre camp.

Au sein du MPP, le Premier ministre est vu comme une sorte d’ouvrier de la 25ème heure qui est venu prendre le bénéfice du travail fait par les autres. A cela s’ajoute le fait que depuis trois décennies, il ne connait le Burkina Faso qu’à l’occasion de séjours pour réunions de travail, vacances, ou pour événements sociaux. Dans ces circonstances, comment bâtir le réseau sociopolitique dont on il a forcément besoin en tant que Premier ministre pour naviguer dans une mare à caïmans comme la majorité actuelle ?

Un Premier ministre frappé d’une faiblesse d’autorité personnelle :
Première conséquence des considérations évoquées plus haut, c’est le manque évident d’autorité du Premier ministre. Comment peut-il commander des ministres qui ont plus de légitimité politique que lui ? On le constate au quotidien dans la coordination de l’action gouvernementale et à travers plusieurs affaires emblématiques (CAMEG, Tablettes, Détournements de fonds et de véhicules, communication gouvernementale sur les attaques terroristes, etc.)
Une deuxième conséquence, c’est que le Président du Faso se trouve être à la fois président et Premier Ministre. Dans une démocratie normale, le Premier ministre est au four et au moulin, monte en première ligne et sert de fusible au Président. Là, c’est plutôt le Président qui s’égosille, explique et défend son bilan, pendant que son PM est muet.

Un Premier Ministre sans expérience en matière de politiques publiques :
Les Burkinabè ont constaté, lors de sa Déclaration de politique générale, que ce nouveau PM ne connait pas les politiques publiques mises en place dans notre pays. Pire, en émaillant son discours de références extérieures notamment du Sénégal où il a séjourné deux décennies, il a donné l’impression manifeste de ne pas connaître les réalités du Burkina Faso. Cela implique que son temps d’apprentissage sera long.

Un premier ministre qui ne connait pas l’administration
A la méconnaissance des politiques publiques de développement, s’ajoute une méconnaissance de l’Administration, toute chose qui en fait forcément un jouet aux mains des autres. En effet, le Premier ministre ne connait pas les cadres de son Administration, et comme son travail fait l’objet d’un sabotage méthodique du MPP, il est visiblement condamné à l’échec. La tâche du Premier ministre est singulièrement compliquée par le profil des membres de son gouvernement.

- Un choix de ministres sur des critères obscurs
A l’annonce d’un gouvernement, les observateurs auscultent toujours le profil des nouveaux promus. Dans le cas d’espèce, lors de la formation du Gouvernement en Janvier 2016, c’est surtout la stupeur qui a dominé. Dans ce pays, chaque cadre a une histoire, et autour de lui les citoyens émettent des appréciations, surtout lorsqu’on est nommé au poste de ministre. Vu sous cet angle, l’Opposition constate que certains ministres du Gouvernement n’ont pas une réputation de compétence dans les services où ils ont fait carrière. Beaucoup y sont parvenus par des raccourcis népotistes ou par leur assujettissement à des mentors. D’autres ont été imposés par les puissances financières, politiques ou diplomatiques qui ont rendu la victoire possible.

On comprend mieux l’atonie du Gouvernement, car manifestement, beaucoup de ministres sont en phase d’apprentissage. Le problème, c’est que le Burkina post insurrectionnel ne peut pas se satisfaire de ministres qui sont là pour apprendre. Il a besoin de ministres opérationnels dès la première minute, parce que cela urge! Or, visiblement, ce pouvoir n’a pas compris que « ça urge ».

En examinant la composition et le fonctionnement bancal du Gouvernement, on se pose légitimement des questions sur les motivations du trio RSS. Leur longue expérience dans les arcanes du pouvoir est supposée les avoir instruits sur la bonne manière de mettre sur pied une équipe gouvernementale gagnante. Ayant pris part à l’insurrection, ils sont bien placés pour savoir le degré d’impatience des populations et la nécessité d’avoir un gouvernement opérationnel dès la première minute. De plus, leur parti a drainé vers lui la grande majorité des anciens cadres du CDP qui, croyant à leur victoire, n’ont eu aucun état d’âme pour abandonner Blaise Compaoré et son parti avant même la chute du régime. Comment expliquer qu’ils en viennent à une telle construction catastrophique ?
L’explication la plus plausible, c’est que, dans le choix des hommes, ils ont préféré privilégier les liens d’affinité personnelle, plutôt que la compétence. Leur démarche visait donc avant tout à s’assurer un contrôle personnel sur les membres du Gouvernement, au lieu de chercher à mettre sur pied un gouvernement capable de travailler pour le pays. C’est le cynisme politique dans sa forme la plus élaborée !

II.4 - Une action législative empreinte de populisme

- Des lois et des actes qui posent problème
Au cours de sa première année de législature, l’Assemblée nationale sous le nouveau régime a voté plusieurs lois dont certaines sont loin des aspirations du peuple. La loi portant allègement des conditions de passation de la commande publique en est un exemple parce qu’elle constitue une remise en cause de la loi anti-corruption. L’Assemblée nationale a mené par ailleurs des enquêtes parlementaires dont la plus célèbre a porté sur le foncier. Ces enquêtes qui ont brillé par leur partialité n’ont épinglé curieusement que les dignitaires déchus du dernier pouvoir alors que certains dignitaires de l’actuel régime sont épargnés bien que mis en cause auparavant dans les dossiers de parcelle.

- Un déficit de contrôle de l’action gouvernementale
Notre Assemblée a interpelé plusieurs ministres sur des questions intéressant la vie de la nation, durant cette année de législature. Mais l’on retiendra qu’elle n’a jamais réussi à infléchir ou à impacter l’orientation de la gouvernance du MPP. Les grands dossiers d’Etat que sont la lutte contre le terrorisme qui montre et compte les morts seulement dans le camp burkinabè, la gratuité des soins annoncée tambour battant par le Gouvernement qui s’enlise, la corruption et la veulerie qui s’entêtent dans l’Administration publique, pire au sein même de l’Assemblée nationale à travers ‘’l’affaire de tablettes et celle des millions’’, montrent à souhait comment la Représentation nationale sous le régime actuel peine à contrôler l’action gouvernementale.

- Un leadership protubérant du Président de l’Assemblée nationale
Le Président de l’Assemblée nationale fait l’unanimité d’être un homme politique qui manque de retenue. Dans sa longue carrière sous le régime Compaoré, il l’aura suffisamment démontré. Aujourd’hui à la tête de notre Assemblée nationale, il la marque de ses frasques, en pensées et en paroles. L’on retiendra de lui la façon dont il a tancé le Gouvernement qu’il trouve peu audacieux, sans imagination et programmé à échouer, s’il continue de faire confiance aux institutions financières internationales. On oubliera encore moins sa boutade ‘’Je m’en fous. Point barre’’. Il a fini de partager les cadavres de l’Insurrection avec une prime plus élevée pour son parti, le MPP. Il a distribué les ‘’tablettes’’ et les ‘’millions’’ aux députés sans sourciller devant la loi anti-corruption. Avec certaines Organisations de la Société Civile, l’homme en est au bras de fer. Dans les initiatives prises récemment par l’Assemblée nationale se dégage l’impression nette d’une volonté à peine dissimulée de se substituer à l’Exécutif.

II.5 - La gestion calamiteuse des rapports sociaux

Même si les luttes syndicales font partie de la tradition de notre pays, force est de reconnaitre que le climat social s’est singulièrement dégradé depuis l’arrivée du MPP au pouvoir. En un an, on ne compte plus le nombre de grèves, de sit-in et autres manifestations d’humeurs de travail qu’a connus notre pays.
Les conflits ont même pris une tournure de plus en plus dure, et le Gouvernement n’a jamais réussi à obtenir une trêve sociale. Il faut dire que les rapports entre ce pouvoir et les syndicats, surtout leur frange révolutionnaire, reposent sur des inimitiés anciennes et parfois des comptes non soldés. Il était difficile d’imaginer les syndicats accorder une quelconque période de grâce à une équipe qui n’apporte pas le vrai le changement.Le résultat de tout cela, c’est que le Burkina est devenu un volcan social en ébullition permanente, toute chose qui ne favorise, ni la productivité, ni l’intérêt des investisseurs. Les différents mouvements sociaux ont pris des tournures dramatiques dans le secteur de la santé, où le bras de fer entre le gouvernement et le SYNTSHA a causé des pertes en vies humaines.
Autre secteur où ces conflits sociaux deviennent une vraie menace pour le développement, c’est celui des régies de recouvrement du ministère de l’Economie et des Finances. Le déficit de dialogue entre les responsables dudit ministère et les syndicats hypothèque dangereusement la collecte des ressources, dont tout le monde connait le caractère vital pour la survie du pays.
Il convient de souligner que si ces différents conflits sociaux sont attisés par la lenteur du gouvernement à satisfaire les revendications, ils sont aussi parfois dus aux comportements de certains ministres. Par exemple, dans les secteurs des Finances et de la Santé, pour ne citer que ceux-là, les syndicats pointent du doigt les maladresses de langage, voire les comportements empreints d’arrogance des responsables gouvernementaux.

III. DES DOMAINES RÉGALIENS EN JACHÈRE

III.1- La réconciliation nationale
Avec ce régime, les Burkinabè vivent dans l’illusion de la paix et de la réconciliation nationale. En effet, les discours cérémoniaux des nouvelles autorités se contentent toujours de dénoncer et de condamner les violences, la défiance vis-à-vis de la loi, ainsi que le manque de tolérance, mais ils n’ont pas l’audace de lever le pied sur les dossiers des crimes d’hier et d’aujourd’hui. De ce fait, une certaine réconciliation sur la base de la vérité, de la justice, pour bâtir une nation forte et prospère comme le proclame le Président du Faso, n’est qu’une illusion. Vider convenablement les dossiers pendants, serait le point de départ d’une vraie réconciliation attendue par toute la communauté nationale.

III.2- La justice

- Crimes politiques et crimes économiques : un pas en avant, deux pas en arrière.
Le nouveau pouvoir n’a aucun intérêt à faire la lumière sur des crimes dont lui-même connaît les secrets. Pourquoi ferait-il du jugement de ces crimes une priorité, puisqu’en la matière il n’y a pas seulement les coupables, il y a aussi les complices qui sont inculpables. Les ténors du pouvoir actuel peuvent-ils montrer "patte blanche" ? Le pouvoir MPP est au pied du mur où il tarde à révéler ses qualités de maçon d’une justice indépendante. En effet, comment sauver des chefs d’orchestre des évènements d’octobre 2014 restés fidèles au régime du Président Kaboré pendant que ceux du coup d’État raté du Général Diendéré, doivent payer ?

Nos dirigeants, durant cette année de pouvoir, sont restés coincés entre des privations de liberté aux uns et des libérations provisoires aux autres, sonnant comme une conspiration insidieuse pour ridiculiser l’Institution judiciaire. Les Burkinabè ont vécu cette première année du pouvoir MPP comme un déni de justice ou plutôt le début d’une justice sélective pour laquelle on lève l’immunité des uns, on épingle d’autres par des enquêtes parlementaires, alors que certains qui ont exercé dans les mêmes conditions narguent le peuple. Là où elle n’est pas sélective, notre nouvelle justice apparaît asymétrique selon les types de citoyens.
Le Président voulant d’une justice aux ordres n’en dit pas mieux en affirmant (interview du 16 avril 2016): « Si vous avez un État dans lequel la justice est son propre patron, cela peut créer beaucoup de problèmes » ? Cette déclaration concernant le Conseil Supérieur de la Magistrature en effet, suscite beaucoup d’inquiétudes quant à sa volonté de laisser aux magistrats les mains libres sur les dossiers de justice.

- Une justice militaire totalement inféodée au Président
Par le fait de relever du ministère de la Défense dont le Chef de l’État lui-même est le Ministre de tutelle, cette justice est à ses ordres. En pareille circonstance, ses atermoiements sur les dossiers pendants (Thomas Sankara, Norbert Zongo, Dabo Boukary), les dossiers des crimes de l’Insurrection et du Putsch ne peuvent que refléter le cirque judiciaire aux issues douteuses, face à un peuple désormais désabusé au regard des révocations de magistrats militaires et des nébuleuses libérations de détenus.

III.3. La sécurité

- Une incapacité notoire à terroriser les terroristes
Depuis l’avènement du nouveau pouvoir, le peuple burkinabè ne dort plus que d’un œil. Le pays est sous menace terroriste et d’autres formes d’insécurité : incendies, incivisme à tous les niveaux. Les autorités n’ont pas de réponses appropriées à ses problèmes cruciaux. L’inconséquence, l’inexpérience et le tâtonnement sont les marques visibles des institutions et des gestionnaires de la sécurité des Burkinabè. En un an de pouvoir, le régime actuel, fait historique, compte 10 attaques qui ont causé de nombreuses pertes en vies humaines.

La dernière en date du 16 décembre 2016, soit un mois avant l’anniversaire de la première (le 16 janvier 2016), révèle l’incapacité des nouvelles autorités à assurer de manière satisfaisante notre sécurité. Elle montre en particulier un plan de sape de notre armée dont le pouvoir participe peu ou prou à ridiculiser et à saborder le moral. Le « carnage » de nos vaillants fils à Nassoumbou ce 16 décembre montre toute la légèreté du pouvoir Kaboré dans la lutte contre le terrorisme. Tous les moyens ne sont pas mis en œuvre pour répondre correctement à ce fléau. Il y a trop de failles et de lacunes sur nos forces déployées sur le terrain.

Les faits laissent entrevoir que notre armée couve apparemment une crise pour laquelle le pouvoir ne prend pas ses responsabilités. Nos soldats ont toujours été valeureux, admirés aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur et il est très affligeant de les voir massacrés de façon aussi odieuse que dramatique. Et dire que le Ministre de la Défense est le Président du Faso, en personne !

- Une communication catastrophique en matière de sécurité
Que dire de la communication au sujet de cette attaque qui, pour la première fois a douloureusement endeuillé notre armée et toute la nation ? Nos autorités du moment, en l’occurrence le Président de l’Assemblée nationale et le Ministre en charge de la Sécurité ont versé dans une communication personnelle empreinte aussi bien de légèreté que du faux. Si le premier, dans une hallucination qui lui devient habituelle y trouve la main de ceux qui ont perdu le pouvoir, le second dans son incompétence soupçonnée, justifiera cette tuerie par l’armement de nos soldats qui n’étaient dotés que de kalachnikovs face à l’ennemi lourdement armé.
Il s’en prendra par la suite au président par intérim du parti en des termes peu équivoques1: « Lorsqu’il s’agit de questions hautement sensibles comme celle de la sécurité nationale, il faut mettre de côté les considérations politiques, car quand les bandits tirent, ils ne se soucient pas de l’appartenance politique des victimes. »
Les éléments d’information venant des terrains de combat montrent que notre bataillon y disposait bien plus que de kalachnikovs. Ainsi, entre combats d’arrière-garde et insinuations mensongères sur les capacités et stratégies militaires sur la ‘’ligne de front’’ (notre frontière Nord), voici comment nos plus hautes autorités gèrent la question existentielle de notre nation à travers sa sécurité.

- Une sécurité intérieure à l’abandon
Si sous le pouvoir actuel nos frontières ne sont plus sécurisées, il est aussi clair que nos villes et nos campagnes ne le sont pas non plus. La sécurisation des vies et des biens des Burkinabè ne doit pas se résumer à des parades dans la cité. Le pouvoir n’offre aucune politique éducative citoyenne par rapport à l’incivisme et à la corruption à tous les niveaux. L’incivisme politique n’a jamais été aussi élevé en termes d’atteinte aux vies et aux biens des citoyens depuis les élections municipales du 22 mai 2016. Tout se déroule sous une impunité rampante qui caractérise du reste la nouvelle gouvernance.

Le dossier Koglwéogo demeure en toile de fond, une poudrière dans notre pays. Les nouveaux patrons du pays, incapables de donner une juste appréciation du phénomène, se jettent dans une approche conjoncturelle d’institutionnalisation qui ne convainc ni les chefs de ces groupes d’autodéfense, ni les forces de l’ordre, ni le citoyen lambda. Récemment dans l’ouest du pays, on a vu comment le laxisme des autorités vis-à-vis de ces koglwéogo a failli conduire à un affrontement avec les Dozos. A cette allure, il est à craindre que les contradictions et mécontentements entre les acteurs n’aggravent la situation sécuritaire du pays.

III.4 -La diplomatie : de l’amateurisme au désespoir

- Le rayonnement international du Burkina en hibernation

    D’une manière générale, il est loisible de constater une totale continuité dans la gouvernance diplomatique caractérisée par un ministère des Affaires étrangères aux abois avec un Ministre des Affaires étrangères qui (par inexpérience et inefficacité), a du mal à se défaire de la routine des voyages intempestifs. Ainsi, durant l’année 2016, aucune action nouvelle n’a été réalisée en vue d’indiquer la rupture sur le plan diplomatique d’avec le régime passé. La notoriété du Burkina Faso est en baisse. Si hier encore, Ouagadougou était une plaque tournante des rencontres internationales (sous régionales, régionales et mondiales), force est de constater que, depuis une année, la destination Burkina n’enregistre plus autant de passagers qu’avant.

-Les défaillances de la gestion approximative de notre diplomatie
La survivance et la génération des tares sont la marque de la diplomatie du pouvoir actuel sur plusieurs points :

    Aucune politique étrangère clairement définie n’a été élaborée au sein du département et plusieurs Ambassades et Consulats attendent toujours la nomination de chef de mission, toutes choses qui rendent difficiles leur orientation, leur fonctionnement et leur évaluation.
    Aucune remise en cause du maillage actuel de nos consulats honoraires et de nos ambassades pourtant jugé incohérent du point de vue de la couverture des zones géographiques et économiques potentiellement attractives.
    L’inertie de l’Institut des Hautes Études Internationales (INHEI), censé former l’élite diplomatique burkinabè, avec le maintien à sa tête d’une autorité dont la longue gestion, longtemps décriée par les professionnels du domaine, s’avère laxiste et aux antipodes des ambitions initiales de l’établissement qui étaient d’en faire un centre d’excellence sous-régional et international.
    La forte politisation du placement de nos cadres dans nos représentations diplomatiques, avec la nomination des ambassadeurs pour l’instant dominée par des politiques.
    Une administration centrale diplomatique oubliée, dépourvue du minimum de moyens (encre, téléphone, carburant, etc.) pour remplir sa mission de coordination avec un personnel de plus en plus démotivé. Conséquence : le Ministère des Affaires étrangères peine à s’imposer comme centre d’impulsion de l’action diplomatique dans notre pays.
    Une diaspora abandonnée : la diaspora burkinabè qui regorge de fortes potentialités pour le développement du pays, en dehors de rencontres folkloriques lors du passage du Président du Faso dans quelques pays, est oubliée. Elle n’est pas impliquée dans le renouveau démocratique en termes d’actions visibles. Dans certains pays, des Burkinabè sont victimes de trafic et des pires formes de maltraitance, mettant à nue l’incapacité du nouveau régime à les protéger.
Que dire des étudiants burkinabè à l’étranger dont la souffrance est indescriptible, à l’instar de ceux du Maroc, obligés de prendre notre ambassade à Rabat en otage ? De nombreux Burkinabè brillent de par leurs connaissances et leurs expertises à travers le monde, dans l’indifférence et l’amateurisme de notre diplomatie. Pendant que le phénomène migratoire vers l’Europe engendre de nombreuses pertes en vies humaines d’Africains sur les côtes méditerranéennes — ce qui préoccupe vivement les pays voisins — l’on n’entend ni discours et ne voit ni actions des autorités du Burkina Faso sur la question.
Quelle est la position de notre pays relative au sort de nos compatriotes dans ce phénomène migratoire ? Par indifférence criminelle ou par inconscience, le régime actuel n’a aucune réponse.

III.5 -. La nouvelle Constitution
A l’issue de l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014, le peuple burkinabè avait manifesté son profond désir de s’attacher à de nouvelles valeurs dont une nouvelle Constitution devait être le reflet et en même temps la garante. Ainsi se justifiait le passage à une nouvelle République par cette nouvelle Constitution. Un an plus tard, le nouveau régime s’est attelé à l’élaborer. Le Président du Faso lui-même a affirmé que la Ve République va nous permettre de limiter définitivement le nombre de mandats présidentiels à deux, de consacrer un parlement monocaméral, de juger de la nécessité de garder certaines institutions et surtout de rééquilibrer le pouvoir entre l’Exécutif et le Parlement, afin que le chef de l’État ne soit pas omniscient.
Le chantier de la nouvelle Constitution soulève beaucoup d’interrogations, voire d’inquiétudes. En effet, même si cette réforme constitutionnelle est une promesse électorale et une volonté largement partagée, les Burkinabè se questionnent aujourd’hui sur son urgence. Cette interrogation rejoint celles relatives à la dynamique qui accompagne la révision constitutionnelle : guerre de clans, remise en cause implicite de certains acquis en matière institutionnelle (c’est le cas des allusions maladroites du Président de l’Assemblée nationale sur la constitutionnalisation de l’ASCE-LC sous la Transition.)
Toujours relativement à cette question de révision constitutionnelle, l’une des inquiétudes est le temps que ce projet prend. Les commissaires nommés à cet effet, avaient deux mois pour faire les propositions de révision, or ce délai est largement dépassé. Aucune modalité n’est à ce jour précisée quant à l’adoption de cette Constitution.

Dans un pays normal, la gouvernance économique est le corollaire de la gouvernance politique.

IV. LA GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE

Les Burkinabè ont fondé un certain espoir sur le nouveau régime ‘’expérimenté’’ de Monsieur Roch Christian KABORE. L’un des domaines où cet espoir était le plus grand, c’est celui de l’économie. Les attentes étaient fortes au sein des opérateurs économiques dont certains se sont fortement mobilisés pour financer la campagne du MPP. Aujourd’hui, ces mêmes opérateurs économiques et toute l’opinion observent que l’activité économique est demeurée morose. Les éléments ci-après illustrent bien cette morosité :
    La faible progression des crédits à l’économie en 2016 (1,2%). En effet, à fin juin 2016, les crédits se chiffraient à 1919,4 milliards de francs CFA contre 1897,5 milliards de francs CFA à la fin décembre 20152.

    La dette intérieure atteignait encore au 30 juin 2016, 58,9 milliards de francs CFA3. Le non-paiement de cette dette intérieure hypothèque fortement tout espoir de relance économique.

    La production d’or a baissé de 8,6% en 2016 consécutif à la chute des cours mondiaux mais aussi à l’insécurité récurrente sur les sites d’or, amenuisant ainsi la contribution de ce produit aux recettes budgétaires. Quant au manganèse, aucune production n’est attendue avant longtemps compte tenu du contentieux qui oppose l’Etat au promoteur.

    La croissance économique est de 5,4% en 2016 contre 4% en 2015. Elle est de deux points inferieure à la moyenne au sein de l’UEMOA. Selon des institutions internationales habilitées, le PIB par habitant a chuté de 720 (USD) en 2013 à 663 (USD) en 20164.

    Le climat des affaires : La mauvaise qualité des infrastructures (transport, électricité, justice, santé, éducation) contribue à un environnement des affaires difficile (143ème sur 189 selon l’étude Doing Business 2016 de la Banque Mondiale).

Les commandes publiques au Burkina, constituent encore des points de préoccupation et d’insatisfaction (cf. les derniers rapports du RENLAC). Les praticiens du domaine imputent les difficultés rencontrées à :

    L’absence de leadership au niveau du cadre institutionnel de gouvernance des commandes publiques;
    La mauvaise foi des acteurs de la chaine de la commande publique;
    La lourdeur des procédures;
    Le système de corruption sophistiqué mis en œuvre dans le circuit de la passation des marchés;
    La faible capacité de nombreux acteurs.

En outre, le Burkina se singularise par des niveaux de pauvreté et de chômage élevés et par le phénomène de la corruption qui prend de l’ampleur. Autant d’éléments qui constituent un risque pour la stabilité politique et sociale. Au lieu d’une stratégie de développement vertueuse pour améliorer les revenus et les conditions de vie des Burkinabè, les nouvelles autorités ont adopté précipitamment, en juillet 2016, le Plan national de développement économique et social (PNDES 2016- 2020), un véritable attelage de consommation inefficace et inefficiente des ressources publiques. Quelques éléments d’éclairage :

    Le PNDES fait suite à la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD 2011-2015) d’un coût global de 7 496,2 milliards de francs CFA (hors charge de la dette)5 avec une anticipation de croissance de 10% en moyenne par an. Sur la période 2011-2013, les statistiques budgétaires indiquent que le financement de la SCADD a été assuré à 67,26%6 sur fonds propres contre 63,3% initialement prévu, à 28,20% sur les ressources extérieures contre 34,5%7 et à 4,54% sur les emprunts obligataires contre 2,2%. Dans tous les cas, le niveau d’exécution financière de la SCADD ne peut excéder 75% compte tenu du contexte sociopolitique en 2014 et 2015 qui a dû entrainer le report de certains financements extérieurs en 2016. Compte tenu de cette situation d’exécution, le pré cadrage macroéconomique et financier du deuxième cycle de la SCADD a dû prendre cela en considération.

    A force de vouloir superposer le programme politique du Président du Faso à l’esquisse de la SCADD, l’on a produit un PNDES volontariste et ambitieux qui ne tient pas compte des rigidités internes et des délais de réaction des partenaires techniques et financiers quelle que soit leur disponibilité et bonne volonté.

    Pendant que la croissance économique burkinabè est réputée consommatrice de ressources au regard du niveau de croissance économique similaire atteint par certains pays de l’UEMOA dans les mêmes conditions avec des taux d’investissement n’excédant pas 25%8, le schéma de transformation structurelle coutera deux fois plus d’investissement pour un point de pourcentage du PIB. Un véritable gâchis!

    La conférence des partenaires du Burkina Faso pour le financement du Plan national de développement économique et social (PNDES) a permis de montrer combien les partenaires publics (bilatéraux et multilatéraux) sont soucieux du développement harmonieux du Burkina Faso et de la satisfaction des besoins essentiels des Burkinabè. Les annonces de financement faites à l’occasion remontent à :
* 8 000 milliards de francs CFA hors partenariat public-privé, soit environ 12,2 milliards d’euros pour les partenaires publics;
* 10 000 milliards de francs CFA, soit environ 15 milliards d’euros pour les investisseurs privés;

Au total, les intentions de financements publics et privés s’élèvent à plus de 18 000 milliards de francs CFA, soit environ 23 milliards d’euros. On se rappelle que pendant la campagne présidentielle de novembre 2015, l’Union pour le Progrès et le Changement avait prévu dans son programme de mobiliser des ressources extraordinaires par le biais des euros bonds d’un montant de 1000 milliards sur le marché financier, soit le 1/10 des intentions des investisseurs privés. Cette innovation avait servi à d’autres partis dont les responsables n’ont aucune connaissance en économie, de thèmes de campagnes de dénigrement en accusant le parti de vouloir endetter le pays jusqu’au cou.
Que pensent aujourd’hui « les sankaristes » de l’UNIR/PS des 18 000 milliards de la Conférence de Paris, quand on se rappelle que dans leur projet de société, l’endettement du pays auprès des partenaires techniques et financiers n’était pas envisageable? Où ont-ils mis la philosophie « comptons sur nos propres forces » du Président Thomas SANKARA? Et que dit le PAREN qui prône le nationalisme révolutionnaire ? Tout laisse à croire que les assistants du MPP ont tout abandonné après un an d’expérience gouvernementale, même leur idéologie politique et leur esprit critique.
Sur le PNDES, les partenaires ont souligné, par ailleurs, les défis majeurs auxquels le Gouvernement devrait trouver des réponses appropriées, notamment la consolidation de la paix et la réconciliation nationale, la bonne gouvernance, l’État de droit, le renforcement des capacités de l’administration publique, l’amélioration du climat des affaires et le choix judicieux de projets structurants pouvant contribuer significativement à la réduction de la pauvreté.
Ces préoccupations sont autant de conditionnalités indiquant que ces promesses ne sont pas des acquis et que l’enthousiasme et ce que l’on veut faire croire aux Burkinabè, doivent être mesurés. Il n’est pas évident que le PNDES puisse bénéficier de tous ces financements compte tenu des longues procédures que leur mobilisation implique. Demeurons vigilants et réalistes pour ne pas vivre le syndrome haïtien après le séisme de 2010.
Dans la pratique, une bonne gouvernance économique requiert au préalable une administration de neutralité, d’efficacité et de probité. Mais au regard de l’état de la gouvernance économique, que dire de la gouvernance administrative ?

V. LA GOUVERNANCE ADMINISTRATIVE
L’importance du rôle de l’administration dans l’impulsion du développement est bien connue de tous. Telle qu’elle est aujourd’hui, l’Administration burkinabè aura du mal à remplir cette fonction.

V.1- L’État et l’efficacité de l’Administration
L’État, on le sait, est le garant de l’efficacité de l’Administration publique. Il doit être capable de donner les moyens nécessaires à l’accomplissement des missions des différentes structures, garantir la sécurité des agents dans leur lieu de travail, contrôler et sanctionner les actes des administrés. Malheureusement, nous avons affaire à une administration qui manque de gouvernail, une administration « laisse guidon », pour reprendre une expression populaire, dans laquelle les supérieurs hiérarchiques n’ont aucune autorité sur les subordonnés. Les retards, les absences répétées à leur poste de travail, le laxisme dans le traitement des dossiers semblent être la règle dans notre Administration. L’épouvantail de la remise à jour des conseils de discipline dans les ministères et institutions n’a rien changé dans le comportement des mauvais agents. On a l’impression qu’être un agent public exemplaire constitue un délit.

V.2 - Le clientélisme et la politisation de l’Administration
Notre administration est gangrenée par de nombreux maux parmi lesquels on peut citer le clientélisme et la politisation très poussée des acteurs. En effet, le parti au pouvoir et ses principaux soutiens y entretiennent un certain clientélisme, faisant croire aux agents que leur salut ne viendra que de leur adhésion aux partis de la majorité gouvernante qui leur garantiraient protection et promotion.
Cette démarche fait effectivement mouche quand on sait que la grande majorité des nominations à de hautes fonctions et la promotion à des postes dits juteux ne vont pas aux plus compétents et méritants mais sont réservés à ceux qui ont la bonne carte, peu importe leur intégrité morale et intellectuelle. Ainsi un parti de la mouvance présidentielle a explicitement confirmé dans la presse quotidienne cette philosophie en justifiant la justesse de leur engagement par le nombre de postes obtenus (Vice-présidence de l’Assemblée, ministères, membres d’institutions parlementaires africaines et internationales, directions générales etc.) Les cadres expérimentés et compétents de l’Opposition, ceux qui n’ont aucune couleur politique ou ceux dont on doute de l’appartenance à un camp ou à l’autre sont mis à l’écart ou confinés à des rôles subalternes.

V.3- La forte propension d’une administration d’affairistes
La ritournelle « l’administration n’est pas le champ de mon papa » qui avait cours sous le régime de Blaise Compaoré est plus que d’actualité sous le nouveau-ancien régime qui, après un an de gouvernance ne cherche même pas à discipliner les agents bien connus comme des affairistes. En effet, il n’est un secret pour personne que les usagers de l’administration rencontrent d’énormes difficultés pour avoir certains documents, surtout si ces documents doivent leur procurer un avantage financier. Pour éviter les nombreux faux rendez-vous, il faut souvent mettre la main au bon endroit pour obtenir une précieuse signature comme si l’agent commis à la tâche n’est pas payé pour le travail qu’il fait. Chacun à son poste de travail s’en met plein les poches, même dans des situations malheureuses où l’usager a plus besoin de réconfort. Le drame est que cela se fait au vu et au su de tout le monde et personne ne semble s’en émouvoir. Que dire de ces agents qui abandonnent leur bureau pour des affaires personnelles ou qui utilisent les biens de l’Administration (véhicules, locaux, matériel informatique, rames de papier, matériel et outillage technique, etc.) pour se faire de l’argent?
Cette forte propension à l’affairisme fait le lit moelleux de la corruption dont l’Exécutif à travers la Ministre du développement numérique dans ‘’l’affaire des tablettes’’, s’est illustrée dans une honteuse corruption institutionnelle, en bravant les avis de ses honnêtes collaborateurs.
Au total, il est à craindre qu’avec ces tares, notre Administration ne soit pas à la hauteur des intentions de financement faites par les partenaires au développement lors de la conférence du PNDES. La capacité d’absorption du Burkina, qui était déjà faible (entre 25 et 30%) risque de s’affaiblir davantage et faire des promesses tonitruantes entendues à Paris un simple effet d’annonce sans lendemain.

VI. LES RATÉS DE LA GOUVERNANCE LOCALE

VI.1- La difficile mise en place des exécutifs communaux et régionaux
C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons assisté, impuissants, aux spectacles désolants que nous ont offert des conseillers municipaux lors de la mise en place des exécutifs communaux et régionaux. Depuis l’adoption de la communalisation intégrale par notre pays, il y a une vingtaine d’années, c’est sous le régime du MPP et de ses acolytes qu’il y a eu autant de morts, d’incendies de biens publics et personnels et de contestations véhémentes lors des élections de certains maires et présidents de Conseils régionaux. Est-il nécessaire de revenir sur les cas de Karangasso-Vigué, Gomboro, Sabcé et récemment de l’Arrondissement 8 de Ouagadougou où les conseillers MPP et leurs amis ont endeuillé des familles pour des postes qui sont pourtant bénévoles ? Et tout cela, sous l’œil quasi approbateur des premiers responsables du parti majoritaire qui, incapables de discipliner leurs militants, se contentent de condamner du bout des lèvres.

VI.2 - Les exécutifs locaux de la majorité sont-ils là pour servir ou se servir!
Le processus de communalisation intégrale de notre pays enclenché depuis 2006 vise l’atteinte d’un objectif principal qui est le développement à la base. Cela n’est possible que si les élus, surtout les exécutifs locaux, ont l’amour de leur terroir, du leadership et le sens de servir. Malheureusement, nous constatons tout le contraire. En effet, en plus des guerres fratricides qui endeuillent et salissent l’image de notre pays, une fois le pouvoir acquis, on assiste à une course à la prédation des maigres ressources mises à dispositions des populations. Les noms des ténors du régime RSS sont au cœur du "Deal" de parcelles, d’actes de corruption, d’intimidation, etc. Il est clair que le Président du Faso et son principal boulet qui est le Président de l’Assemblée nationale préfèrent les condamnations populistes, sans lendemain, aux actes de changements vrais qui passent par un nettoyage de leur camp.

VII. LES ÉCHECS SECTORIELS PATENTS
Certains échecs de l’action gouvernementale sont plus emblématiques que d’autres. Parmi ceux que nous relevons ici figurent la paupérisation galopante des populations, la santé, l’éducation, l’emploi des jeunes, et les secteurs des mines et de l’énergie.

VII.1 - La paupérisation galopante
L’accentuation de la pauvreté par une dégradation du pouvoir d’achat est une triste réalité dans notre pays. La pauvreté a même atteint des proportions inquiétantes. Un burkinabè sur trois mange à peine une fois par jour, et les prix des produits de première nécessité (riz, sucre, huile, carburant) restent hors de portée de la grande majorité des populations. Le panier de la ménagère s’amenuise et la mévente se généralise dans nos marchés. La coalition contre la vie chère a constaté que plus de «trois mois après l’arrivée du MPP au pouvoir, la situation sociale des populations n’a guère connu d’amélioration» et au bout d’une année de gestion, elle a empiré. La majeure partie de la population est condamnée à mettre au point des stratégies de survie.
On se rappelle cependant que le MPP a fait de Roch Marc Christian KABORE son candidat qui devait être la réponse aux problèmes du pays. Douze mois ont suffi pour se rendre à l’évidence que face aux différents questionnements et défis, la réponse tarde à venir. On est donc en droit de se demander si la Réponse elle-même ne constitue pas un problème, ou mieux, si elle n’est pas le problème ?!.

VII.2 - Un système de santé publique pris en otage
La crise née autour de la Centrale d’Achat des Médicaments Génériques (CAMEG) ressemble plus à un rapport de forces au sommet de l’État qu’à une crise ordinaire inhérente à la gestion d’une entreprise. Cette situation voulue et entretenue par certaines personnalités politiques à des fins inavouées aux antipodes de l’intérêt collectif a pris en otage la santé de toute la population et a même sapé les bases des mesures sociales de gratuité des soins prises par le Gouvernement. Les médicaments se faisant de moins en moins disponibles dans les Centres de santé concernés par le projet, le corps médical a été confronté à un problème de suivi et de contrôle pour garantir le bon déroulement de l’opération. Ce qui était prévu, au départ, pour être une mesure d’accompagnement et de soulagement de la population s’est très vite muée en situation cauchemardesque. En dépit des cris de détresse lancés par les acteurs de la santé, le président Roch Marc Christian KABORE et son Gouvernement sont restés apathiques, abandonnant de fait, les malades de nos villes et campagnes à leur triste sort.
Quant à l’assurance maladie universelle annoncée à grand renfort médiatique, elle est restée lettre morte, un an après la prise du pouvoir de ceux qui, pompeusement, en ont fait leur cheval de bataille électorale pour accéder à la Magistrature suprême.
Ainsi, en l’absence d’une réponse claire aux légitimes revendications des travailleurs de la santé, la section SYNTSHA du Kadiogo a mis à exécution son mot d’ordre de grève. Cet avertissement de 72 heures traduit dans les actes par le sit-in des agents les 9 et 10 mars 2016 n’a pas permis au gouvernement de prendre la mesure de toute la gravité de la situation. Ainsi, dans un élan de solidarité qui a défrayé la chronique, le SYNTSHA a enclenché, le 22 novembre 2016, une grève de trois jours sans service minimum. Cette absence totale de soins aux conséquences désastreuses a montré jusqu’à quel point le régime du président Roch Marc Christian KABORE est pris de court par les événements et reste insensible au drame qui s’en est suivi. Une fois de plus, aucune politique d’anticipation n’a été appliquée pour éviter ce qui pouvait encore l’être afin de sauver des vies humaines.
L’acte majeur qui corrobore cette absence d’anticipation, est l’apparition du « palu dengue ». Là encore, le Gouvernement s’est inscrit aux abonnés absents et le ministre en charge de ce portefeuille est à la recherche de ses repères. La crise dite de la dengue a été mal gérée. Aucune mesure forte n’a été prise par le Gouvernement pour permettre à la population de se faire soigner. Les tests de dépistage sont effectués, pour la plupart, dans des cliniques privées à des prix hors de portée du commun des Burkinabè.
Au total, la gestion clanique et népotiste de ce ministère, dictée depuis le sommet de l’Etat, n’incite guère à l’optimisme, et même les PTF de la santé ont manifesté leur inquiétude.

VII.3 - Un système éducatif dans un chaos persistant
Depuis l’installation du président Roch Marc Christian KABORE, aucune nouvelle mesure n’a été prise pour faire avancer l’Éducation dans notre pays. Les maux qu’ils ont créés ou contribué à créer depuis le régime précédent continuent de gangrener le système éducatif du pays comme pour justifier l’assertion qui dit qu’on ne fait pas du neuf avec du vieux. Le Continuum, le système LMD, le manque d’infrastructures scolaires et universitaires, le chevauchement des années académiques, le manque d’enseignants sont encore, entre autres, les difficultés quotidiennes qui continuent de miner le système éducatif burkinabè. A titre d’exemple, l’Université Ouaga 1 Joseph KI-ZERBO connaît une année universitaire désordonnée qui ne rime à rien. Et pourtant, cela semble ne pas émouvoir le régime en place. En outre, le Gouvernement continue de donner la preuve de son incapacité à gérer son administration à travers des nominations hasardeuses, comme celles survenues au Centre national des œuvres universitaires (CENOU).

VII.4 - L’emploi des Jeunes
L’on se souvient comme hier que les responsables du MPP ont fait pratiquement de l’emploi, leur programme politique. Mais un an d’exercice du pouvoir a fini de montrer l’incapacité des tenants du pouvoir. On est tenté au regard des chiffres, d’avancer que le MPP et ses alliés sont sur le mauvais fil.
Le recrutement des jeunes ayant au minimum un Bac+2 pour enseigner est un palliatif qui ne règle pas de façon pérenne la problématique du chômage au Burkina Faso. Les jeunes ont besoin d’emplois durables qui pourraient leur permettre de se prendre en charge dans la vie active. Par ailleurs, la plupart des jeunes sont analphabètes, et il est triste de constater qu’aucune action n’est menée en direction de cette frange importante de la jeunesse.
Dans sa Déclaration de politique générale, le Premier ministre annonçait dès sa prise de fonction, 16 000 emplois en milieu rural dédiés à la Santé et le recrutement de 4200 jeunes enseignants. Aujourd’hui, ce sont des annonces vaseuses dont la mise en œuvre est calamiteuse. Des 16000 emplois de la Santé, il n’y a pas eu la moitié. Des 4200 enseignants annoncés, seulement 2 800 ont été recrutés puis ont suivi une difficile formation, augurant d’un enseignement au rabais de nos enfants.
Pourtant le programme du parti au pouvoir avait soulevé avec justesse l’inadéquation endémique entre notre système de formation et l’emploi. Une année après, aucune réforme ou mesure n’a été prise, aussi bien au primaire, au secondaire, qu’à l’université. Selon toujours ses ambitions programmatiques, le MPP devrait proposer une politique d’incitation et d’encouragement des entreprises à l’emploi des jeunes diplômés et stagiaires, mais à la date d’aujourd’hui rien n’y est fait. A quand cette politique?
Si on se réfère aux promesses électorales, du président par intérim du MPP, les 100 premiers jours du pouvoir MPP devaient être consacrés à l’employabilité des jeunes. Sans doute, les 2800 emplois dans l’enseignement sont-ils la réponse à une telle promesse ? Si l’on sait que plus de 150 000 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail.
Le PNDES promet de générer 50 000 emplois décents par an. On peut aisément avancer sans se tromper que 2016 n’est pas une année du mandat du Président KABORE, puisque malgré le cumul des concours directs de 2015 à ceux de 2016, plus les 2800 enseignants et 16000 agents ruraux de santé, on est loin du compte ! De tous ces emplois, on se demande lesquels sont décents ? Par ailleurs, on note qu’aucune structure d’appui au secteur privé n’a été créée par le pouvoir du MPP. Ainsi, aucune banque n’a été créée contrairement à ce qu’ils ont maintes fois affirmé pendant la campagne. Ce sont les mêmes recettes qui sont servies aux jeunes :
    Des formations sur l’entreprenariat administrées à profusion au profit de jeunes, souvent des militants des partis de la majorité, sans véritable espoir de s’en sortir;
    Des sommes parfois dérisoires accordées aux jeunes pour « créer des entreprises » sans accompagnement dans leur vie professionnelle.
    Et que dire des jeunes du PSUT qui attendent toujours leur financement ?
Le programme présidentiel parle aussi de promotion d’une bonne structuration des activités économiques (GIE, PME/PMI à forte valeur sociale), la formation des jeunes sur la maîtrise de l’environnement de production, l’accès équitable au financement et au marché, l’accompagnement à l’installation. Sur ces points, rien simplement n’a été fait et on dira que même la Transition qui a connu de plus grandes difficultés a fait mieux avec le Programme de formation en entreprenariat (PFE) de 5000 jeunes en 2015. C’est ce même programme qui a été reconduit « pompeusement » et présenté aux jeunes comme la solution à leurs problèmes, alors que manifestement les jeunes n’en ont pas la même lecture. Il s’agit plutôt de grandes manifestations qui sont organisées avec la récupération politique au bout.
Le ministère en charge de la Jeunesse navigue à vue sur les Fonds de promotion de l’emploi des jeunes de l’ancien régime sur fond de contestation de certaines nominations faites par copinage. Au lieu de mieux réorganiser ces fonds en les mutualisant comme beaucoup de spécialistes le demandent, le Ministre de la jeunesse, de la formation et de l’insertion professionnelle instrumentalise ces outils financiers à des fins politiques. Il faut noter à ce propos qu’il a délocalisé les journées portes ouvertes de ces fonds dans sa région, comme pour dire qu’il fait ce qu’il veut de ces fonds.
Quant à la création d’emplois verts évoqués dans le programme du Président, on est tenté de croire encore que c’est juste un effet de mode. En effet, comme par enchantement et pour « être dans le mouvement », le pouvoir MPP a trouvé le moyen de parler d’emplois liés à l’économie verte, sans savoir ce qu’il faut y mettre. On note que le ministère en charge de l’Environnement est totalement absent de ces grandes questions et n’a aucune stratégie pour emmener les jeunes burkinabè à s’intéresser à ces nouvelles opportunités.
L’autre point sur lequel il convient d’insister est celui relatif aux emplois dans le domaine du numérique. Tout le monde s’accorde à dire que l’économie numérique constitue des niches importantes d’emplois nouveaux, notamment au profit de nos jeunes très branchés sur l’informatique. Force est cependant de constater qu’après un an de pouvoir MPP, rien n’a bougé de ce côté. Là encore le Gouvernement se contente de gérer le quotidien sans véritable stratégie à même de créer des emplois. Quoiqu’il en soit, l’on peut dire qu’en termes de création d’emplois et de prise en compte des préoccupations des jeunes dans notre pays, 2016 n’a pas fait mieux que l’année de Transition pourtant conduite par des dirigeants moins expérimentés que ceux qui ont cheminé plus de 25 ans avec le régime Compaoré.
Le plus grave est que dans la situation actuelle, on a du mal à comprendre les leviers sur lesquels « s’appuie » le pouvoir MPP pour « trouver du travail » aux jeunes. Tantôt, les tenants du pouvoir affirment haut et fort que c’est le secteur privé qui constitue la source de création de la richesse nationale, donc de l’emploi, pendant qu’ils «capitalisent» les emplois publics normalement prévus comme des actes qu’ils ont accomplis pour offrir du travail aux jeunes. En somme, c’est comme s’ils ont peur de faire appel concrètement au Secteur privé.
Par ailleurs, les structures telles le Fonds d’Appui au Secteur Informel (FASI), le Fonds d’Appui à la Promotion de l’Emploi (FAPE) et le Fonds d’Appui aux Initiatives des Jeunes (FAIJ) censées soutenir les jeunes porteurs de projets n’ont pas connu la mue nécessaire à leur repositionnement pour leur permettre de jouer leur rôle en toute équité et transparence. Là aussi, les anciennes pratiques de clientélisme basées sur l’appartenance politique perdurent, freinant hélas le dynamisme de notre jeunesse féconde en initiatives.

VII.5 - Mines et Energie
Un an de gestion du pouvoir montre un secteur de l’Énergie et des Mines marqué par une gestion brouillonne et cacophonique du fait du premier responsable en charge de ces deux secteurs. La gestion du secteur de l’Énergie au cours des 12 mois de ce gouvernement est la parfaite illustration de toute la gouvernance de tâtonnements et revirements décriés dans le mémorandum sur les 100 jours au pouvoir des nouvelles autorités.
    L’acte 1 observé de cette gestion est l’adoption précipitée par le nouveau Ministre d’un nouvel organigramme du Département sans avoir pris connaissance des activités du secteur. Cette situation a eu pour conséquence un retard dans l'exécution de certains projets dont l’organisation et l’exécution ont été bouleversées par ce changement.
    Face aux délestages intempestifs et au pic du mois de mars 2016, le Ministre en charge de l’Énergie fait une sortie très médiatisée et annonce la volonté du Gouvernement de lutter contre les délestages par la location dès fin février de groupes de 110 MW pour aider la SONABEL à passer la période chaude. Dans la précipitation, les procédures ne sont pas respectées et le dossier est recalé au niveau du MINEFID. Et pour finir, face au tollé soulevé dans l’opinion à l’annonce du coût faramineux de cette location (25 milliards de Francs CFA) et des interrogations sur « pourquoi louer un groupe et pas l’acheter », le Président Roch Marc Christian KABORE, lors de l’émission « Dialogue citoyen » le mardi 26 avril 2016, est monté au créneau lui-même pour dire que l’idée de location du groupe a été abandonnée : « La première idée qui a été de louer le groupe, c’est une idée que nous n’avons pas suivie. Nous ne l’avons pas suivie parce que ça coûte cher. »
    Dans le même temps, un processus de recrutement par appel d’offres de producteur indépendant thermique de 100 MW commencé en 2014 a été simplement annulé en conseil des Ministres en mai 2016, alors qu’on était au stade de dépôt des offres. Il n’y a pas eu d’explication sur cette annulation alors qu’on est en manque de puissance. Ce n’est qu’en octobre 2016 que l’appel à manifestation d’intérêt a été relancé. Deux années perdues inutilement.
    Dans ce même département, on observe qu’un appel d’offres pour le recrutement de producteurs indépendants solaires de près de 80 MW a été lancé et annulé deux fois au cours de l'année pour non-respect des procédures concurrentielles.
    Au nombre des incohérences et du pilotage à vue du secteur de l’énergie, il faut noter qu’il a été créé par décret en octobre 2016 une Agence nationale pour la promotion des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. En attendant sa mise en place, on se demande quelle articulation cette agence peut-elle avoir avec la Direction Générale des énergies renouvelables (DGER) et la Direction Générale de l'efficacité énergétique (DGEE), elles-mêmes nouvellement créées. Une agence et deux directions générales qui feraient le même travail !
    Il a été adopté au cours du deuxième semestre 2016 la « Lettre de politique sectorielle du secteur de l'énergie ». Cependant, les acteurs et les PTFs attendent tous une planification claire des investissements dans le secteur de l’énergie. Là encore, on observe qu’il y a d’une part ce qui est annoncé dans le programme de gouvernement du chef de l'Etat et, d’autre part, ce qui se passe réellement, c’est-à-dire, sans fil conducteur.
    On notera dans ce secteur, le démarrage de la construction de la ligne d’interconnexion avec le Ghana et de la centrale solaire de Zagtouli. Mais en réalité, ces actions sont le fruit de processus antérieurs à l’entrée en fonction de ce Gouvernement.

Globalement, il n’ya pas pour le moment d’actions concrètes des nouvelles autorités. Bien au contraire, les nouvelles autorités se sont inscrites dans la logique de réaliser des gros investissements à travers des processus non concurrentiels. En témoigne la signature d’un contrat de 140 MW avec la société Windiga Énergie à Paris en marge du PNDES à la stupéfaction des investisseurs présents. Pourtant, ces contrats ont des durées allant de 20 à 30 ans et engagent des générations entières.
Dans le secteur spécifique des mines, l’évolution des choses constitue déjà une douche froide sur les attentes des populations. A la faveur de l’insurrection, nombreux sont nos compatriotes qui espéraient une réforme profonde du secteur minier permettant de faire en sorte que la richesse de notre sous-sol profite vraiment à notre peuple. Les Burkinabè attendaient de savoir qui sont les véritables propriétaires des entreprises minières qui opèrent dans notre pays, et surtout quels sont les vrais noms qui se cachent derrière les prête-noms officiels. Ils attendent toujours. L’espoir était grand que les entreprises minières se verraient rappeler avec plus de fermeté leur responsabilité sociale. Rien n’est fait à ce jour.
La transparence réclamée sur ce que le secteur minier apporte au budget de l’état et l’utilisation qui en est faite, reste au stade des vœux pieux. Les premières décisions du nouveau pouvoir dans domaine ont pris l’allure de règlements de comptes et de manœuvre pour se substituer aux anciens dignitaires du régime déchu dans la main mise sur le secteur. En effet, sous prétexte de mettre de l’ordre, le pouvoir du MPP a procédé au retrait de plusieurs permis d’exploration, pour mieux les réattribuer à ses soutiens financiers. De la même manière, le triste bras de fer que le premier responsable en charge de ce département a entretenu avec les acteurs historiques du secteur en voulant imposer l’organisation par le nouveau cadre dénommé « Semaine des activités minières d’Afrique de l’Ouest » (SAMAO) des manifestations de promotion jusque-là organisées par PROMIN (promotion minières au Burkina Faso) pour la partie étatique et SEMICA (Salon international des mines, de l’énergie et des carrières) pour un opérateur privé, donne une autre indication claire de la volonté du pouvoir de mettre la main sur le secteur. C’est de cette même démarche que procède visiblement apparemment le bras de fer engagé par le gouvernement dans le dossier Tambao.

CONCLUSION
Après un an de pouvoir du nouveau ancien régime, la déception est généralisée et l’espoir pour un vrai changement au Burkina Faso s’éloigne. Les Burkinabè en sont à se demander où est ‘’Roch la réponse’’ ! Où est ‘’une parole, une action’’ ? Les anciennes-nouvelles autorités sont largement en deçà des attentes des Burkinabè. L’insurrection des 30 et 31 octobre 2014, de par la profondeur de son inspiration pour de nouvelles valeurs ou le retour aux valeurs qui étaient celles de notre corpus social ancestral est une déception. Là où les Burkinabè attendaient une action énergique et vertueuse, ils sont servis avec une gouvernance chaotique, largement marquée par l’absence d’une vision claire au départ et par une préparation insuffisante aux responsabilités où ces dirigeants ont été hissés. En un an, le nouveau pouvoir n’a fait que briller par le tâtonnement, l’amateurisme et la navigation à vue.
Ce sentiment d’échec n’est pas une vue de l’opposition toute seule. Il est aussi partagé par les leaders de la majorité dont plusieurs n’ont pas hésité à tirer publiquement la sonnette d’alarme, et même à prédire une nouvelle insurrection si rien n’est fait. La conviction en est faite par le Président par intérim même du parti majoritaire par ailleurs Président de l’Assemblée nationale: «Le Gouvernement se doit d’être plus audacieux et imaginatif, parce que le schéma classique dans lequel il évolue n’entraînera aucun développement du pays, même dans 10, 20 ans.»
La corruption et l’impunité persistent. Ni l’indignité, le clanisme, le clientélisme, le népotisme, l’affairisme, la corruption, ni l’arrogance érigés en système de valeurs par ces cerveaux du régime Compaoré n’ont disparu. Cela va peser lourd sur notre avenir commun car, quand les autorités se complaisent dans la corruption, assortie d’arrogance ahurissante, elles n’encouragent pas nos partenaires à coopérer notre pays.
La morosité économique et financière, les remous sociaux, la désintégration du système éducatif, la débâcle de l’enseignement supérieur, le chômage aux trousses de la jeunesse, les violences en politique dans les mairies, le tout couronné par un niveau d’insécurité jamais égalé, une incompétence criarde, qui conduit au massacre de nos soldats, autant d’indicateurs qui convainquent que ce nouveau pouvoir ne conduit pas notre pays à bon port. Le peuple a besoin d’un sursaut d’orgueil et c’est la responsabilité historique de l’Opposition politique de le lui inspirer.

Comité technique de rédaction du Mémorandum
Coordonnateur : Alphonse Marie Ouédraogo, président de l’URD/MS
Membres :
- Somé Boniface, représentant de l’UPC
- Dabiré Bonoudaba, représentant du CDP
- Abdouramane Ouédraogo, représentant de l’ADF/RDA
- Séré Adama, représentant du R.E.D.BF
- Achille Ouédraogo, représentant du MPS

NOTES

1 Interview du Ministre de la sécurité sur Radio Wat. FM. 17/12/2016
2DGEP/MEF: Note technique budget économique, août 2016
3 DGEP/MEF, Op cit
4 FMI - World Economic Outlook Database – 2016
5 MEF, SCADD 2011-2015, Décembre 2010
6 MEF, Rapport de performance de la SCADD, Juin 2015
7 MCA qui a pris fin en 2014, a constitué une part importante du financement extérieur
8 Perspectives économiques des Etats de l’UEMOA, 2015

Liste des partis politiques membres du cadre de concertation du CFOP

1- Union pour le progrès et le changement (UPC), Zéphirin Diabré
2- Congres pour la démocratie et le progrès (CDP), Achille Tapsoba
3- Alliance pour la démocratie et la fédération-Rassemblement démocratique africain (ADF-RDA), Gilbert Ouédraogo
4- Nouvelle alliance du Faso (Nafa), Rasmané Ouédraogo
5- Convergence de l’espoir (Espoir), Jean-Hubert Bazié
6- Parti national des démocrates sociaux (PNDS), Yumanli Lompo
7- Parti pour la démocratie et la fédération/Laafi (PDF/LAAFI), Abdoul Diallo
8- Parti pour la renaissance de la démocratie au Faso (PRDF), Zacharie Sorgho
9- Parti républicain pour l’indépendance totale (PRIT-LANNAYA), Mamadou Kabré
10- Union pour le Burkina nouveau (UBN), Amadou Diemdioda Dicko
11- Mouvement patriotique des jeunes démocrates (MPJD), Patrice Zinsidou Sambaré
12- Union pour la démocratie et le développement (UDD), Toubé Clément Dakio
13- Mouvement africain pour le peuple (MAP), Victorien Tougma
14- Parti écologiste pour un développement nouveau(PEDN), Evrard Sorgo
15- Union pour la renaissance démocratique du Burkina (URDB), Soumaila Zeba
16- Union pour la démocratie populaire BF (UDP), Boureima Tapsoba
17- Parti Fasocrate (PF), Gilbert Bouda
18- Union pour la renaissance démocratique mouvement sankariste (URD/MS), Alphonse Marie Ouédraogo
19- Parti de la justice et du développement (PJD), Dieudonné Bakouan B.
20- Parti patriotique pour le développement(PPD), Felix T. Compaoré
21- Rassemblement des forces indépendantes-Parti des jeunes du Burkina(RFI/PJB), Harouna Ramdé
22- Mouvement panafricain du Faso (MPF), Achille Rawa Ouédraogo
23- Parti des militantspour le peuple(PMP), Arba Abdoulaye
24- Parti républicain pour l’intégration et la solidarité (PARIS), Roland Tondé
25- Patriotes unis pour le changement(PUC), Sidnoma Sankara
26- Rassemblement des écologistes du Burkina Faso(REDBF), Adama Séré
27- Force pour la défense de la démocratie(FDD), Kango Edouard Ouédraogo
28- Parti centriste pour la démocratie et le progrès (PCDP), Inoussa Ouédraogo
29- Union des forces progressistes(UFP), Yé Modou
30-Conseil du peuple pour l’action(COPAC), Aimé Evariste Bouda
31- Union des forces démocratique du Burkina Faso (UFDB), Mahamadi Kola
32- Parti pour le socialisme et la refondation (L’Autre Burkina/PSR), Alain Zoubga

Sondage

Rien n'a été trouvé!

NEWSLETTER

Abonnez vous à notre bulletin d'informations pour être quotidiennement informé